Chris Gerdes est professeur de mécanique, directeur du Centre pour la Recherche Automobile (CARS) et directeur du programme REVS à Stanford. Il est aussi passionné d'automobiles et un entrepreneur ; fondateur de Peloton.
Pourtant, dans la vidéo ci-dessous, il s'inspire surtout de son expérience au ministère des transports américain (USDOT) dont il fut le premier Chief Innovation Officer. Il y parle de la sécurité des véhicules autonomes et du cadre réglementaire. L'intérêt de son exposé tient au fait qu'il croise une excellent vision des enjeux réglementaires (aux USA au moins) avec une expertise technique.
Les expériences spectaculaires de Stanford
Il commence par évoquer Shelley l'Audi TTS autonome utilisée par Stanford pour approcher le comportement d'un pilote de course sur un anneau de vitesse ou l'incroyable DeLorean surnommée Marty qui réalise des dérapages contrôlés (des drifts) autonomes et très spectaculaires !
L'objectif de ces travaux universitaires (!) est de comparer les performances de robots et de conducteurs humains dans des cas de conduites "aux limites".
La certification des véhicules aux USA
Environ 7.30 minutes après le début, il présente les normes fédérales pour la sécurité des véhicules à moteur "FMVSS" en précisant qu'aucune certification n'est exigée aux USA avant la mise sur le marché d'un véhicule. Chaque constructeur assume lui même l'évaluation de ses véhicules avant leur mise sur le marché, ces normes sont obligatoires, mais pas vérifiées ex-ante.
Il insiste sur le temps nécessaire (7 ans) pour faire évoluer ces normes et donc sur le décalage entre le temps des règles et celui des innovations.
Il estime (en s'appuyant sur un rapport de Volpe) que ces règles, bien qu'inadaptées, n'empêchent en rien la mise sur les routes de véhicules autonomes. Pour traiter les questions soulevées par ces nouveaux véhicules, USDOT a mis en place un cadre pour l'évaluation de la sécurité en 15 points (mise à jour par l'administration Trump en 2017).
Ces points doivent être étudiés par les constructeurs. Il s'agit par exemple de bien définir le cadre d'exploitation du véhicule (ODD Operation Design Domain), de la détection d'objets et d'événements, des mécanisme de retour vers une situation sûre (fallback), etc.. Voici un rapide résumé des 12 points retenus dans la nouvelle version du document :
Il insiste sur le temps nécessaire (7 ans) pour faire évoluer ces normes et donc sur le décalage entre le temps des règles et celui des innovations.
Il estime (en s'appuyant sur un rapport de Volpe) que ces règles, bien qu'inadaptées, n'empêchent en rien la mise sur les routes de véhicules autonomes. Pour traiter les questions soulevées par ces nouveaux véhicules, USDOT a mis en place un cadre pour l'évaluation de la sécurité en 15 points (mise à jour par l'administration Trump en 2017).
La vision pour la sécurité des systèmes autonomes de transport de la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) |
- System Safety : l'approche "système" est mise en avant dès le titre du document (on parle d'ADS pour Autonomous Driving Systems) et il est fait référence de façon indicative aux pratiques et aux normes des secteurs de l'aviation, de l'espace et de la défense.
- Operational Design Domain il doit au minimum porter sur le type de routes, les zones géographiques, les vitesses et conditions d'emploi (météo, visibilité...).
- Object and Event Detection and Response qui distingue la conduite "normale" et les dispositions permettant d'éviter une collision. La conduite normale inclut notamment le respect du code de la route, mais aussi celui de "l'étiquette" et la capacité à éviter les comportements dangereux des autres véhicules.
- Fallback (Minimal Risk Condition) qui couvre les modes permettant, lors de la détection d'un problème, de ce rapprocher d'une situation qui présente un minimum de risque.
- Validation Methods différentes méthodes sont évoquées (tests sur pistes d'essai, conduite sur routes ouvertes, simulation...) mais aucune n'est particulièrement préconisée.
- Human Machine Interface couvre, au sens large, les interactions avec les passagers y compris l'éventuel conducteur, les autres véhicules et les piétons et cyclistes, et le cas échéant, avec les opérateurs en charge de la supervision. Dans le cas des véhicules conçus pour être totalement autonomes, les interactions avec des utilisateurs présentant des déficiences physiques, perceptives ou cognitives doit être étudiées.
- Vehicle Cybersecurity dans ce domaine la coopération entre les acteurs est encouragée pour partager les risques et les parades.
- Crashworthiness : il est précisé que la réalisation de crash tests n'est pas obligatoire et que l'agence nationale ne demande pas accès aux résultats de ces tests lorsqu'ils sont réalisés;
- Post-Crash ADS Behavior couvre la sécurité à l'issue d'un crash...
- Data Recording il est nécessaire d'enregistrer les données du véhicules et d'être en mesure de les partager avec l'administration en cas d'accident.
- Consumer Education and Training il s'agit notamment de bien informer les utilisateurs des bonnes conditions de fonctionnement des automatismes.
- Federal, State, and Local Laws, les constructeurs doivent garder trace des démarches entreprises pour se conformer aux lois des différents états et aux règles locales...
Quels tests pour garantir la sécurité ?
Il aborde ensuite la question de test. La simulation numérique lui semble apporter une couverture plus robuste que les tests sur piste ou sur route ouverte. Pourtant, de nouveau, l'USDOT ne préconise pas un type de test sur les autres. En revanche, les systèmes programmés de façon déterministe et le système apprenant (IA) nécessitent probablement des approches différentes...Un code de la route qui se fonde sur le bon sens des humains est il adapté aux robots ?
Il conclut sur les questions relatives au "jugement" du conducteur. Le fameux dilemme du tramway, relève de questions morales souvent difficiles à trancher. Il doit aussi faire l'objet d'une approche plus pragmatique visant à développer toutes les mesures techniques qui permettent de limiter, voir d'éviter les défaillances qui conduisent au dilemme.Plus que ce dilemme, c'est la question des règles (code de la route) qui est pertinente. Ces règles sont conçues pour des conducteurs qui disposent de "bon sens" pour les interpréter et décider qu'il convient parfois de les contourner.
Ces règles peuvent poser problèmes si les véhicules robots sont programmés pour les respecter à la lettre.
Plutôt que d'obliger les robots à conduire "aussi mal" que les hommes, c'est donc, selon Chris Gerdes, une révision règles du code de la route qu'il faut entreprendre. Elle prendra en compte les capacités des robots au delà de celles des humains. En s'appuyant sur ses capacités techniques inaccessibles aux humains, le robot pourra atteindre un niveau de sécurité et de performance optimal.
La conférence est suivie par une série de questions intéressantes.