Informatique quantique et cryptologie

La cryptologie est un domaine étrange dans lequel l'impossibilité de résoudre certains problèmes est utile... Ainsi, une grande partie des algorithmes de chiffrement commerciaux actuels (AES par exemple), notamment ceux qui sécurisent les échanges entre votre navigateur et les serveurs des sites internet, reposent sur l'impossibilité de factoriser un grand nombre en nombres premiers.

La décomposition d'un entier en nombres premiers est un problème trivial pour des nombres de 2 ou 3 chiffres (15= 3*5,  116=2*2*29). Elle devient rapidement longue dès que le nombre est grand. Un très grand nombre (1000 chiffres par exemple) pourrait nécessiter, pour être décomposé, des milliers d'années même en mobilisant toute la puissance de calcul digitale disponible... La sécurité de nos communications repose sur cette asymétrie entre une opération très rapide à réaliser : le produit de deux grands nombres, et sur son inverse, la décomposition d'un grand nombre en facteurs premiers qui elle est trop longue pour être pratiquée...

L'informatique quantique permet d'aborder le problème différemment. Plus précisément l'algorithme de Shor permet (permettrait puisque l'ordinateur qui permettra de le faire fonctionner n'existe pas encore) de factoriser de grands nombres dans un "temps polynomial". L'opération inverse devient accessible pour les longueur de clés de chiffrement actuellement utilisée et les secrets peuvent être trouvés...  

Une fois la "quantum supremacy" atteinte (voir l'article précédent), ces algorithmes seront, donc, obsolètes. Nous pourrons quasi instantanément déchiffrer les échanges précédemment chiffrés... Et cela pose de gros soucis à beaucoup de gens !

Les cryptologues travaillent dès aujourd'hui sur de nouveaux algorithmes de chiffrage "résistants à l'informatique quantique" (post quantum cryptography). De nouvelles normes de sécurité "post quantiques" sont, dès aujourd'hui, en cours d'évaluation par le NIST, l'institut des standards américains.

Ces nouveaux standards resteront compatibles avec nos PC "digitaux" mais elles ne seront attaquables ni à partir de PC digitaux ni à partir d'ordinateurs quantiques.

Derrière les enjeux commerciaux évoqués jusqu'ici, les technologies quantiques ont, bien entendu, des applications dans le domaine de la défense. Au delà de la course des industriels, les états et les services de cryptologies gouvernementaux sont aussi en compétition. Un rapport récent du CNAS (center for new american security) documente les avancées chinoises en matière d'informatique, mais aussi de télécommunications, de radars, de senseurs et de systèmes de navigation quantiques. Il estime que la domination stratégique des USA pourrait être menacée par l'ambition des programmes de recherche chinois. Ce rapport a, semble t il, incité la chambre de représentants à accélérer la R&D gouvernementale dans le domaine.
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Cet article est le troisième d'une série sur l'informatique quantique.

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