Jarrett Walker : quelques vérités simples sur la mobilité urbaine

En ces temps d'innovations technologiques, M. Jarrett Walker qui est un consultant américain spécialisé dans le transport public, propose, dans la vidéo ci-dessous, un rappel opportun des "axiomes de base" de la mobilité urbaine.

Le premier est relatif à la géométrie et plus précisément à l'espace nécessaire pour les différents modes. La voiture n'est pas un mode adapté à la zone dense, simplement parce qu'elle occupe trop de place ! Qu'elle soit partagée, autonome ou "Uberisée" n'y change pas grand chose. Les VTC consomment moins de places de stationnement que les véhicules personnels, mais ils augmentent le nombre de déplacement et donc la congestion... Les véhicules autonomes de demain ne feront pas mieux.
En zone dense, il est nécessaire de disposer pour les longues distance de gros véhicules mutualisés : les bus, les trains et pour les distances moins importantes du vélo et de la marche... Ce n'est peut être pas une idée nouvelle, mais elle est simple et reste juste !

Un peu plus loin M. Walker expose les 4 problèmes de la mobilité : 
  • L'information sur l'offre là et quand on a en besoin : problème assez bien traité par l'utilisation des smart phones,
  • Les émissions et un usage efficace de l'énergie : en partie résolue avec le développement des véhicules électriques, 
  • La sécurité et l'usage efficace du travail : résolu par les véhicules autonomes, (ndlr : sur ce point je trouve M. Walker très optimiste, il y a beaucoup à dire sur la cohabitation en centre ville des véhicules autonomes avec les autres modes).
  • L'usage efficace de l'espace : traité par des véhicules de grande taille et par les mobilités douces...
M. Walker explique ensuite qu'un bus vide n'est pas un problème. Un grand bus pouvant contenir beaucoup de voyageurs coûte à peine plus cher qu'un petit bus et beaucoup moins cher que deux petits bus si à une autre heure ou un autre endroit les voyageurs sont plus nombreux.  Investir dans des véhicules un peu plus gros que strictement nécessaire peut avoir du sens en terme économique.

Par ailleurs, beaucoup de villes cherchent à utiliser les bus pour offrir une solution de mobilité sur un très large territoire. Cet "étalement" du service, amène, à budget fixe et donc à nombre de véhicule constant, une baisse des fréquences de passage. Or les voyageurs sont très sensibles à la fréquence. Une offre équitablement répartie sur l'ensemble du territoire est nécessairement une offre peu utilisée. Inversement, une offre fréquente, concentrée sur un corridor où la demande est forte, attirera de nombreux voyageurs. Le choix entre une offre utilisée par un grand nombre de voyageurs et une offre qui dessert un large territoire est un choix politique. M. Walker reste neutre, mais il semble tout de même regretter que les élus aient tendance à privilégier les larges dessertes égalitaires mais de mauvaise qualité à des offres plus restreintes mais plus performantes et plus attractive pour les voyageurs.


12 minute et 30 s après le début, M. Walker explique que la mobilité est liée à la liberté et qu'elle répond à une aspiration essentielle des citoyens : la possibilité d'atteindre certains lieux c'est la possibilité de faire certaines choses !
Il prend l'exemple du re-design du réseau de Dublin, actuellement à l'étude, pour indiquer que l'objectif est d'étendre le périmètre atteignable en 45 mn de transport. Cet "isochrone" de 45 minutes à partir du domicile représente l'espace limité dans lequel le citoyen va devoir vivre. Étendre cet isochrone permet d'augmenter la liberté des citoyens !
Cet argument, assez fort, est particulièrement adapté pour convaincre les "conservateurs" américains. En effet, ce groupe est à la fois attaché aux libertés individuelles mais souvent opposé aux initiatives publiques en général et aux transports publics en particulier. M. Walker explique qu'en ville, la liberté nécessite un partage efficace de l'espace et donc un recours aux transports publics. Il cite le président Lincoln : ceux qui ne respectent pas la libertés des autres sont précisément ceux qui ne méritent pas la liberté (Those who deny freedom to others deserve it not for themselves"). 

L'amélioration des performances du réseau passe par la généralisation de ligne de bus à haute fréquence (moins de 15 minutes). Il insiste sur la "rigidité de l'offre" qui rassure les voyageurs, facilite l'adoption et permet de densifier encore l'offre si le trafic augmente sur la ligne.

Enfin, il explique les liens entre développement urbain et conception des réseaux : un urbanisme responsable construit dans les endroits qui pourront être desservis. 

Vous l'avez compris, j'apprécie beaucoup Jarrett Walker, c'est un expert reconnu, un défenseur engagé du transport public (ce qui n'est pas si courant aux USA), mais aussi un excellent orateur qui n'abuse pas du jargon. Il tient aussi le blog human transit qui mérite d'être suivi.
Un autre de ses "faits d'armes" est la polémique qui l'a opposé à Elon Musk. Je ne résiste pas au plaisir de vous présenter ci-dessous cet interview sur le sujet sur Fox en plus !

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