Sacha Arnoud raconte la longue route de Waymo vers le véhicule autonome

Sacha Arnoud est directeur de l'ingénierie chez Waymo et travaille chez Google depuis 2010. Dans la vidéo que je vous propose ci dessous, il donne des indications intéressantes sur le programme de travail de Google sur ces dernières années. Entre les premiers prototypes en 2009 et le lancement annoncé avant la fin de 2018 d'un service commercial de robots taxis sans "safety driver"presque 10 ans se sont écoulés. "Lorsqu'on a fait 90% du chemin, 90% des efforts restent à faire" semble être la morale de cette aventure technique et industrielle.  


Dès 2010, Google avait déjà atteint un premier objectif ambitieux : parcourir en autonomie totale 10 boucles sur des routes ouvertes présentant des complexités très variées : en milieu urbain à San Francisco, sur autoroutes et sur des routes de montagne. 

Pendant les années qui ont suivi, Waymo a bénéficié des avancées considérables de Google Brain en "deep learning". Il s'agit par exemple, des technologies utilisées en production depuis 2012 dans Street View pour interpréter les informations présentes sur les façades : numéro et nom des rues, noms et activités des commerces, signalisation routière...  La mise en oeuvre de ces technologies en temps réel, par exemple pour détecter des piétons, dans des véhicules qui ne sont pas toujours connectés nécessite des adaptations importantes. Sacha mentionne plusieurs articles clés dont les dates de publication marquent les progrès réalisés.

Pour mieux faire comprendre ce qui est en oeuvre aujourd'hui dans les véhicules robots de Waymo, l'analyse se focalise sur la fonction de perception. Cette fonction reçoit en entrée les informations fournies en temps réel par les capteurs de la voiture et des informations cartographiques "historiques" décrivant le lieu. A partir de ces données, la fonction produit une description de la situation dans laquelle se trouve le véhicule. 
Vers la minute 28, il explique l'importance de la perception pour un véhicule qui conduit mieux qu'un humain et qui ne se contente pas simplement d'éviter les obstacles sur son chemin. Dans l'exemple, un véhicule de police, gyrophare allumé, porte ouverte est garé sur la droite.Le policier se tient au milieu de la route et un cycliste, devant le véhicule autonome, se prépare à le contourner...Pour gérer cette situation, il est nécessaire d'interpréter les différentes composantes non seulement comme des "obstacles", mais comme des concepts sémantiquement riches : par exemple un véhicule de police stationné avec gyrophare et dont la porte avant droite est ouverte...
Le deep plarning est aussi nécessaire pour "corriger" les artefacts des capteurs. Les reflets ou les images détectées par certains capteurs doivent, par exemple, être ignorés et non confondus avec des informations réelles.
La "segmentation sémantique" de la scène est donc une étape clé qui se heurte à de nombreuses difficultés. Certains objets : plaques de neige sur la route, sacs en plastique, végétation n'ont pas de "forme caractéristique". Pour les détecter il faut recourir à des méthodes optimisées pour ne pas mobiliser trop de puissance informatique.
L'interprétation des piétons est particulièrement difficile compte tenu de leurs formes variables, des champs sémantiques complexes caractérisant leurs activités, et  de leur comportement qui peut être erratique.
Le recours à des réseaux de neurones récurrents est indispensable pour exploiter les informations capturées à différentes étapes de la trajectoire du véhicule et des différentes composantes de la scène.
La technologie Tensor Flow offre, à tous les scientifiques qui l'utilisent des outils, des données et un langage commun qui facilitent le travail d'équipe efficace.
La présentation se conclut par les 3 stratégies de test utilisées par Waymo ; 
  • la conduite sur routes ouvertes (4 millions de km en 2017), 
  • la simulation (25 milliards de km simulés en 2017)  
  • et la réalisation de tests scénarisés dans des environnements spécialisés sur l'ancienne base aérienne de Castle en Californie.

Si les véhicules autonomes vous intéressent,vous trouverez sur ici les autres articles de Transid sur ce sujet.

Une étude APUR et MIT sur les véhicules autonomes : du contexte international au cas du Grand Paris



L'Apur c'est associée avec l'Urban Mobility Lab du MIT pour produire un rapport présentant à la fois un état de l'art mondial sur les VA (Véhicules Autonomes) et une réflexion spécifique sur l'expérimentation dans le contexte du Grand Paris.
Je vous livre ici quelques notes en vous recommandant la lecture du rapport (en anglais) ou au moins celle d'une note de synthèse en français.

Législation

Un rappel de la stratégie nationale pour le développement du véhicule autonome est fait. Un encadré fait aussi le point sur la réglementation aux USA en insistant sur les dispositions prises en Californie et sur l'approche extrêmement libérale de l'Arizona. 
Le chiffre de $80Mds d'investissements industriels dans les technologies de VA est extrait d'une étude de The Brookings institution.  Au passage, cette étude contient un graphe du nombre cumulé des opérations investissements qui donne une indication sur le dynamisme du secteur :
Source: The Brookings Institution
Le rôle de la puissance publique ne s'arrête pas au pilotage de la stratégie industrielle, ni aux processus d'autorisations. Le rapport aborde l'importance des investissements publics dans les infrastructures. Il s'agit d'aménager les routes mais aussi de disposer des réseaux de communications et d'énergie nécessaires pour ces VA qui seront connectés et majoritairement électriques...
Enfin, mais sans surprise, les acteurs industriels attendent un cadre réglementaire claire et adaptable (!) et s'inquiètent de la superposition des juridictions territoriales...

La technologie et ses impacts sur les systèmes de transport

Le document rappelle les 5 niveaux d'autonomie et détaille l'importance de la notion de domaine sur lequel un véhicule est sensé être en mesure d'être autonome.Il distingue les navettes (type EasyMile ou Navya) et les RoboTaxis pour le transports de voyageurs et différents concepts pour le transports de fret et les livraisons. Enfin il couvre la nécessité d'adapter les infrastructures urbaines pour assurer la possibilité de recharger les véhicules électriques, assurer la connectivité et la communication "sol bord" ou V2X. Il souligne la tension qui peut exister entre les investissements consacrés aux nouvelles technologies et celles qu'il faudra en parallèle continuer à consacrer à la route et à la signalisation "classique". 
La question du péage n'est abordée qu'au travers de l'expérimentation Renault Sanef, sans doute aurait on pu imaginer un développement un peu plus long pour des technologies qui permettent de financer l'évolution des systèmes de mobilité ?  

Etude de cas d'expérimentation

Des fiches présentent des expérimentations  intéressantes dans le monde entier.
. A garbage trucks, Sweden The future of municipal services?
. Singapore Wide-spread testing of diverse technologies.
. Wageningen, Netherlands Fixed-route shuttles for last-mile solutions.
. Helsinki, Finland A targeted, Smart City approach to AVs.
. Phoenix-area, United States Limited regulations and a car-focused approach.
. Paris, France Strong consumer feedback in a pedestrian-friendly area.
. Rouen, France A ride-hailing car service to supplement public transportation.
. Shenzhen, China An eager interest in new technologies combined with a high consumer acceptance.
. Sion, Switzerland : A tourist attraction in a dense, pedestrian-heavy area.

Les VA et la Ville

Cette section fait le point sur l'intérêt que pourrait présenter les VA en ville en particulier en matière :
  • de sécurité, 
  • de congestion (par exemple en limitant les effets de "stop & go" dans les embouteillages), 
  • d'optimisation des services de "Mass Transit" (en améliorant la diffusion et le rabattement vers les gares), 
  • de développement de nouveaux services de transports partagés, 
  • de lutte contre les émissions, 
  • d'emploi...
Le rapport explore aussi les effets potentiellement négatifs et les bonnes options pour les limiter. L'analyse est résumée dans le tableau suivant :
Les mesures recommandées sont :
  • la baisse du nombre de places de stationnement, 
  • une tarification variable pour l'usage de la route visant à encourager le partage aux heures de pointe, 
  • l'intégration des services de types VA et transports publics,
  • une tarification sociale pour favoriser l'accès aux services de VA pour les personnes à faibles revenus, 
  • une centralisation des données pour permettre aux voyageurs de choisir les meilleurs itinéraires et d'optimiser le choix des modes,  
  • le choix de véhicules zéro émission.
Au delà de ces mesures réglementaires, la prise en compte des VA dans la conception (design) de la ville est nécessaire. Il s'agit notamment :
  • d'optimiser dynamiquement l'espace libéré par la réduction du nombre de places de stationnement,
  • revoir la conception de rues, pour agrandir les trottoirs ou faciliter la cohabitation des modes, 
  • de s'intéresser à la gestion des données pour optimiser l'usage de la chaussée et pour étudier la tarification dynamique. 

Une approche pour une expérimentation pour le Grand Paris 

Pour finir, des priorités spécifiques au contexte du Grand Paris sont formulées :
  • valoriser les expérimentations ayant un impact sur le développement durable et l'environnement, conformément à l'engagement de Paris d'être neutre en terme d'émissions carbone en 2050...
  • viser l'articulation avec le système de Mass Transit et les mobilités partagées,
  • améliorer la desserte des zones les moins desservies notamment grâce à des services de transport à la demande et à des véhicules adaptés. 
  • encourager les cohabitation des modes, 
  • coordonner les échanges de données entre plateformes pour faciliter l'information,
  • adapter les services pour les touristes, notamment dans la perspective des JO de 2024.
Des lignes directrices qui reprennent en partie ces priorités y ajoutent les points suivants en conclusion :
  • le soutien pour des véhicules de grande capacité pouvant circuler sur les autoroutes et s'articuler avec les services de Mass Transit, 
  • le développement de services intégrés de type MaaS pour l'information, la réservation, la vente aux voyageurs, 
  • l'aménagement de la voirie en vue de faciliter son partage entre des modes ayant des vitesses et des besoins différents, 
  • des espaces publics connectés en lien avec le développement de cartographie numérique,
  • le développement de l'open data, de la connectivité et des infrastructures de recharge en énergie,
  • l'optimisation du stationnement et des espaces de livraison.